Le 16 mai 2011

Une première francophone dans les Maritimes

Karine Vachon et Sophie Payeur

Le nouveau Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick permettra, enfin, de mieux répondre aux besoins médicaux des minorités francophones des provinces de l'Atlantique.

Aurel Schofield pratique la médecine à Moncton depuis plus de 30 ans. Natif du Nouveau-Brunswick, il a dû s'exiler au Québec afin de recevoir sa formation médicale en français, sa langue maternelle. «Avec le recul, je ne m'en porte pas plus mal, mais j'aurais aimé pouvoir demeurer chez nous pour devenir médecin.» Aujourd'hui, les futurs médecins néo-brunswickois n'ont plus besoin de quitter leur province pour être formés en français : depuis 2006, ils peuvent suivre leurs cours au Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick, fruit d'une collaboration entre l'Université de Sherbrooke et l'Université de Moncton.

La création de ce nouveau centre a entraîné la perte d'un médecin clinicien au Nouveau-Brunswick, mais c'est pour une bonne cause : le Dr Schofield est maintenant doyen associé de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'UdeS et directeur du centre basé à Moncton. «Avez-vous une idée de l'impact qu'aura ce nouveau centre de formation sur les effectifs en santé de notre province?», demande-t-il. La réponse n'est pas difficile à imaginer. Depuis 1980, la formation clinique des médecins francophones du Nouveau-Brunswick a été rendue possible grâce, en bonne partie, à une étroite collaboration entre l'Université de Sherbrooke et la communauté francophone du Nouveau-Brunswick. Les statistiques révèlent que 90 % des étudiants formés en médecine familiale et 75 % de ceux qui sont devenus médecins spécialistes sont revenus pratiquer dans leur province natale. «Quand les futurs médecins peuvent effectuer leur stage clinique chez eux, les possibilités qu'ils décident de pratiquer dans leur propre milieu augmentent de façon radicale.»

Le Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick accueille donc, depuis septembre 2006, 24 nouveaux étudiants par année. Le projet a été rendu possible grâce à un partenariat entre l'Université de Sherbrooke, l'Université de Moncton, le gouvernement du Nouveau-Brunswick, les régies régionales de la santé et les hôpitaux. Un édifice de l'Université de Moncton a d'ailleurs été entièrement rénové pour recevoir le centre de formation, qui est aussi le seul lieu francophone de formation médicale des Maritimes, et le seul uniquement francophone à l'extérieur du Québec.

Le programme, il va sans dire, respecte les mêmes normes de qualité que celles appliquées à Sherbrooke. Le travail de délocalisation a été un succès, grâce, en partie, à la participation enthousiaste des médecins pratiquant à Moncton, tant en ce qui a trait à l'enseignement qu'à la gestion du programme. «J'ai été agréablement surpris par l'accueil qu'ont réservé les médecins sur place au projet de formation, souligne Aurel Schofield. Ils ont accepté de mettre la main à la pâte en y consacrant de précieuses heures.» Le Centre de formation médicale, ajoute-t-il, permettra sans doute de relever un défi important pour la province : établir un équilibre entre les services médicaux cliniques offerts à la population et la nécessité, pour le personnel soignant, de perfectionner sa pratique par la formation.

Les technologies de l'information jouent un rôle non négligeable dans la réalisation de ce projet d'envergure : elles permettent aux étudiants d'échanger à distance avec les professeurs de Sherbrooke tout en offrant des formations complémentaires plus spécifiques. Par ailleurs, le fait que le programme de médecine de l'Université de Sherbrooke repose sur une méthode pédagogique basée sur l'apprentissage par problèmes facilite la délocalisation de la formation.

Le médecin et doyen associé est convaincu d'une chose : les activités du Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick auront un impact remarquable sur les soins de santé dans les petites communautés francophones de toutes les provinces de l'Atlantique. «Nous entrevoyons enfin la possibilité de répondre aux besoins grandissants de notre population vieillissante et d'équilibrer la répartition des médecins en région, révèle le Dr Schofield. Nous, médecins issus de petites communautés francophones, n'avions pas les ressources suffisantes pour mettre en place une école de médecine. C'est un véritable projet social pour toutes les provinces de l'Atlantique, et un exemple concret que l'union fait bel et bien la force.»

Le Dr Schofield n'est pas le seul à tirer cette conclusion. En juin 2007, le Bureau du Québec dans les Provinces at­lantiques et la Société Nationale de l'Acadie ont décerné un des deux prix Acadie-Québec au Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick. Le prix Acadie-Québec a été créé en 2006 dans le but de reconnaître l'apport remarquable de personnes ou d'orga­nis­mes au développement et à la conso­lida­tion des relations entre l'Acadie et le Québec.